Le télétravail est encadré par la loi, qui impose des obligations au salarié et à son employeur. Il est cependant parfois complexe de s’y retrouver et de nombreuses questions pratiques se posent alors concernant notamment le lieu d’exercice du télétravail, le remboursement des frais,  les modalités de mise en place, le contrôle du salarié en télétravail… Fortify vous aide à y voir plus clair en répondant à 5 questions pratiques sur le télétravail.

1. Est-il possible de télétravailler hors de chez soi ?

La loi n’interdit pas de travailler en dehors de son domicile principal. Certaines entreprises comme Amazon ou American Express ont même intégré à leur charte d’entreprise la notion de Work From Anywhere (WFA),

🖍️ A noter : l’accord collectif sur le télétravail n’est pas obligé de recenser les lieux dans lesquels les salariés sont autorisés à télétravailler (ex. : domicile principal, lieu de coworking). En revanche, l’employeur et les délégués syndicaux peuvent décider de le faire apparaître dans l’accord pour plus de clarté.

Plusieurs cas de figures sont possibles en matière de télétravail hors du domicile :

Le télétravail en espace de coworking, une solution avantageuse 

espace co working

Le coworking est un nouveau mode d’organisation du travail basé sur un espace de travail partagé. Il est initié et mis en place par l’employeur qui doit en assumer le coût. Ces avantages sont nombreux : un cadre de travail propice à la concentration, une simplification des problématiques d’assurance et la mise à disposition d’un matériel adapté.

Le télétravail hors domicile possible mais soumis à autorisation

Même si la loi est vague à ce sujet, rien ne s’oppose à télétravailler depuis un autre domicile que le sien (résidence secondaire, chez des amis…). Néanmoins, un télétravailleur doit être disponible dans les plages horaires convenues avec l’entreprise. Il doit notamment en mesure de se déplacer dans les locaux de l’entreprise en cas de besoin. Points importants : sa sécurité doit être assurée et il doit être dans de bonnes conditions pour travailler. Le télétravail hors du domicile entraînant des questions d’assurance et des coûts à considérer, l’entreprise a le pouvoir de le refuser.

Le télétravail à l’étranger possible mais complexe

La loi française n’aborde pas la question du télétravail international. Théoriquement il est donc possible mais nécessite impérativement l’accord de l’employeur. Il implique cependant des contraintes importantes en matière d’organisation, de coûts et de sécurité :

  • Disponibilité du salarié (éloignement, décalages horaire…)
  • Respect de l’obligation de santé et sécurité difficile à mettre en œuvre
  • Frais supplémentaires liés au régime de sécurité sociale
  • Statut du salarié : le salarié peut passer « expatrié » en fonction de la durée du séjour
  • Loi du travail applicable

Si un de vos salariés souhaite télétravailler à l’étranger, il est ainsi primordial de cadrer les conditions par un avenant au contrat.

2. Qui prend en charge les frais liés au télétravail ?

La loi est particulièrement complexe sur le sujet de la prise en charge des frais liés au télétravail.

🔔 Pour rappel :

  • Une ordonnance de 2017 avait supprimé l’obligation pour l’employeur de prendre à sa charge les coûts liés à l’exercice du télétravail
  • Plusieurs cas de jurisprudence ont ensuite stipulé que les frais professionnels engagés par le salarié dans l’exécution de son contrat de travail, doivent être supportés par l’employeur. Ce principe s’applique donc logiquement aux télétravailleurs.
  • Par la suite, l’accord national interprofessionnel (ANI) du 26 novembre 2020, a précisé qu’il « appartient à l’entreprise de prendre en charge les dépenses qui sont engagées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’entreprise, après validation de l’employeur ». Cet ANI s’applique aux entreprises des secteurs représentés par la CPME, le MEDEF et l’U2P

Ainsi, les entreprises soumises à l’ANI doivent prendre en charge les frais de télétravail. Il est recommandé d’instaurer un dialogue social pour définir les modalités de prise en charge des frais télétravail. Dans les autres cas, il est recommandé à l’employeur de prendre en charge ces frais.

Les frais télétravail pouvant être pris en charge par l’employeur

Le télétravailleur peut demander à son employeur le remboursement frais fixes et variables liés à l’utilisation de son domicile à des fins professionnelles, ainsi que les frais liés aux consommables utilisés et les frais de télécommunication.

Cette prise en charge peut s’effectuer :

  • sur la base des dépenses réellement engagées par le salarié et justifiées (factures à l’appui)
  • par le versement d’une indemnité forfaitaire (prime « télétravail »)

🖍️ A noter : l’allocation forfaitaire versée par l’employeur est exonérée de cotisations et contributions sociales dans la limite globale de 10 € par mois, pour un salarié effectuant une journée de télétravail par semaine (20 € par mois pour deux jours de télétravail, 30 € par mois pour trois jours… etc)

Frais de transport et télétravail

Concernant les frais transport domicile-travail, l’employeur doit également prendre en charge 50 % du prix de l’abonnement, pour les télétravailleurs comme pour les salariés en présentiel.

🖍️A noter : même si le télétravail ne s’effectue qu’un ou deux jours par semaine, la prise en charge par l’employeur est identique à celle d’un salarié qui est en permanence dans l’entreprise. En revanche, si le salarié est télétravail à domicile de manière continue sur le mois ou la semaine, l’employeur n’est pas tenu de prendre en charge les frais de déplacement.

Titres-restaurant et télétravail

Si l’employeur accorde des titres-restaurant à ses salariés, le télétravailleur continue de les percevoir pour toute journée de travail organisée en deux vacations entrecoupées d’une pause réservée à la prise d’un repas.

3. L’employeur peut-il contrôler le salarié en télétravail ?

La surveillance de l’activité des salariés est autorisée mais est très encadrée. L’employeur a le droit de surveiller l’activité des salariés à distance de la même manière que sur site. Le code du travail impose cependant des règles. L’employeur doit toujours justifier que la mise en œuvre du dispositif :

  • est proportionnée à l’objectif poursuivi
  • ne porte pas atteinte au respect des droits et libertés des salariés
  • fait office d’une information préalable auprès des personnes concernées

Contrôle du télétravail : ce qui est interdit ⚠️

Il est formellement interdit d’utiliser des outils de surveillance de façon permanente (vidéosurveillance, géolocalisation…) ou d’utiliser des stratagèmes visant à piéger un salarié. L’utilisation des keyloggers (dispositif d’espionnage informatique qui enregistre les suites de touches tapées sur un clavier) est par exemple prohibée, tout comme le fait de de filmer les collaborateurs à leur insu.

Contrôle du télétravail : procédure à suivre 📃

Si l’employeur souhaite mettre en place des dispositifs de contrôle (par exemple, système de badgeuse, logiciel de suivi des activités…), ils ont l’obligation d’informer et de consulter le CSE en amont. Le CSE aura un mois pour se positionner.

Si des dispositifs de contrôle sont mis en place, l’employeur doit alors également informer les collaborateurs afin de respecter son obligation de loyauté et de transparence. Il est fortement conseillé d’indiquer l’ensemble des dispositifs dans la charte de télétravail.

Par ailleurs, tout dispositif impliquant un système de collecte et un traitement permanent de données des salariés doit impérativement être déclaré auprès de la CNIL.

Contrôle du télétravail : ce qui est autorisé ✔️

Certaines pratiques liées au contrôle du télétravail sont néanmoins autorisées, par exemple :

  • La consultation des fichiers présents sur le disque dur du matériel informatique mis à disposition du salarié. En revanche, si la mention « personnel » ou « privé » est explicitement inscrite sur les fichiers, l’employeur n’a pas le droit de les consulter.
  • Le contrôle et la limite d’utilisation d’internet. Par exemple l’employeur est en droit d’installer un dispositif de filtrages de site pour restreindre la navigation.
  • Le contrôle de la boîte mail. Les courriels échangés sur la messagerie électronique de l’entreprise sont présumés à caractère professionnel. Ainsi l’employeur a le droit de les consulter. C’est également le cas pour les messageries professionnelles instantanées comme Slack ou Teams.
  • La surveillance téléphonique est également autorisée. L’employeur peut par exemple consulter les SMS reçus sur le téléphone portable professionnel d’un salarié.

Le droit à la déconnexion en télétravail 

Le droit à la déconnexion, consacré par l’article L2242-17 du Code du travail, vise à assurer le respect des temps de repos et de congé des salariés pour obtenir un bon équilibre vie personnelle-vie professionnelle. Il revient à l’employeur de mettre en place des règles appropriées pour permettre l’exercice de ce droit. Par exemple : le blocage des messageries en dehors des horaires de travail, la définition des temps de travail et de déconnexion, un guide dédié…

Focus sur l’entretien de télétravail 

entretien-professionnel

Encore peu connu et pratiqué au sein des entreprises, l’entretien télétravail n’en est pas moins une obligation. En effet chaque année l’employeur doit organiser avec le télétravailleur un entretien portant sur ses conditions d’activité et sa charge de travail (Code du travail L.1222-10 3°). L’objectif : échanger sur la mise en œuvre du télétravail au regard de la situation particulière du salarié.

4. Le télétravailleur doit-il être assuré ?

Tout salarié qui exerce son activité professionnelle à son domicile, s’expose à des risques (vol, incendie, dégâts des eaux…)

Assurance pour les biens professionnels :

L’employeur doit fournir les mêmes garanties à tous les collaborateurs.  Ainsi, c’est à votre employeur de souscrire une assurance pour couvrir les risques liés au télétravail : protection des biens professionnels en cas de dommages, protection des données sensibles, ainsi que votre responsabilité civile professionnelle.

Assurance pour les biens personnels utilisés en télétravail :

Si le salarié utilise ses biens personnels (PC, bureau, imprimante…) dans le cadre du télétravail, il peut alors être nécessaire d’opter pour une couverture spécifique de ces biens. En effet, ceux-ci ne sont pas couverts par l’employeur. Il est donc important que les salariés vérifient auprès de leur assurance habitation si celle-ci prend en charge les dommages survenus sur leurs bien personnels dans le cadre du télétravail. Si besoin, une extension de garantie peut être demandée ou le salarié peut souscrire à une assurance habitation de télétravail.

💡 Bon à savoir :

L’employeur est en droit demander une attestation de télétravail à son salarié. Le salarié peut se la procurer facilement auprès de son assureur. Par ailleurs, l’employeur peut demander une attestation au salarié lui permettant de s’assurer que son lieu de travail dispose d’installations électriques et techniques conformes pour protéger sa santé et sa sécurité (ANI du 19 juillet 2005, art. 7).

5. Comment cadrer la pratique du télétravail ?

Généralement le télétravail est mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou d’une charte télétravail élaborée par l’employeur (après avis du CSE s’il existe).

En l’absence d’accord collectif ou de charte, l’employeur et le salarié peuvent formaliser leur accord par tout moyen même si un écrit reste recommandé.

💡 Bon à savoir :

  • Le télétravailleur dispose des mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise.
  • L’employeur qui refuse d’accorder le télétravail à un salarié qui occupe un poste éligible à ce mode d’organisation  doit motiver sa réponse.
  • Le refus d’accepter un poste de télétravailleur n’est pas un motif de rupture du contrat de travail.
  • Si un accident survient dans le cadre du télétravail, celui-ci est présumé être un accident de travail.

Que doit contenir l’accord collectif ou la charte télétravail ?

L’accord collectif ou à défaut la charte télétravail doivent contenir des clauses obligatoires :

1° Les conditions de passage en télétravail

2° Les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail ;

3° Les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;

4° La détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail ;

5° Les modalités d’accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail, en application des mesures prévues à l’article L. 5213-6 ;

6° Les modalités d’accès des salariées enceintes à une organisation en télétravail.

💡 Bon à savoir :

Le code du travail prévoit que l’accord collectif sur le télétravail peut être à durée déterminée ou indéterminée. En l’absence de cette information, il est alors forcément limité à durée déterminée de 5 ans.